Historique des Plaques Diplomatiques de 1936 à 1965

    

Crédits : Article rédigé par Thierry Baudin à partir des informations recueillies par Jean-François Zuraw et publiées sur son site, donnant le contenu exhaustif des circulaires et arrêtés depuis plus d'un siècle, dont voici une liste.

        Les immatriculations diplomatiques comptent parmi les dernières a avoir été introduites en France, en ce sens qu’elles n’ont fait leur apparition qu’en 1936, quand une circulaire en date du 17 août les a mises en place.

 Avant 1933, c’est-à-dire avant que le statut de véhicule importé en franchise temporaire de droits ne soit établi pour le bénéfice des touristes étrangers (immatriculations TT), les véhicules diplomatiques n’ont pu bénéficier d’aucune distinction. Ils se trouvaient donc immatriculés dans les séries normales, avec paiement de toutes les taxes et droits de douane.

Seul le chef de mission diplomatique avait reçu l’autorisation, en application de la circulaire du 5 novembre 1932, de pouvoir circuler dans un véhicule muni d’un écusson CD en blanc sur noir, placé au dessus de la plaque avant.

 A la suite de la circulaire du 10 octobre 1933, les véhicules diplomatiques purent bénéficier du régime d’importation temporaire en franchise, et se trouvèrent donc immatriculés au moyen des plaques rouges TT. A ce titre, si la grande majorité des codes institués pour les immatriculations TT avaient été créés pour le besoin des touristes débarquant dans des ports avec leur véhicule, on peut penser que les codes prévus pour les villes de France continentale (Paris avec X, Y, Z, et aussi Lyon avec V) l’ont été pour le principal bénéfice des immatriculations de véhicules diplomatiques. Cela, même si la circulaire de 1933 ne fait aucune mention de son application dans ce cas particulier.

 Le statut particulier aux véhicules exemptés de taxes attirant des contrôles de douane ou de police plus fréquents qu’à l’ordinaire, il se révéla que la mise en place de plaques rouges sur des véhicules diplomatiques était peu propice à la pratique du discernement qui doit être de mise avec les représentants d’états étrangers. C’est la raison de la circulaire de 1936, qui reprit en quelque sorte les bases du règlement de 1933, mais en établissant une série spéciale pour leurs véhicules, une véritable immatriculation diplomatique cette fois.

Le format d’immatriculation était spécifique, en CD 1234 A, avec le A indiquant toujours le port d’attache, pris dans la liste de 1933, de même que les couleurs utilisées sur la plaque, à caractères blancs sur fond jaune foncé.

On vient de le voir, c’est sur la base d’une différentiation fiscale (une exemption, en l’occurrence) que les immatriculations diplomatiques étaient attribuées en application de la circulaire de 1936. Les véhicules diplomatiques pour lesquels les droits de douanes avaient été payés ne pouvaient bénéficier de cette immatriculation dans la série CD. Obligés de circuler avec des plaques des séries normales, et obligés aussi de ne pas porter l’écusson CD toujours réservé aux chefs de missions, ces véhicules pouvaient encore faire l’objet de contrôle de police ordinaires…

La circulaire du 24 avril 1940 mit fin à cette imperfection dans la réglementation.

Tout en confirmant l’attribution de la série CD 1234 A aux véhicules diplomatiques circulant en franchise temporaire, elle instituait  une nouvelle série de numéros d’ordre spécialement réservée , caractérisée par le format CD 1234 AB (plus un chiffre de série à la suite si nécessaire) pour les véhicules diplomatiques pour lesquels les taxes avaient été acquittées. Bien sûr, AB était à considérer dans la liste des codes départementaux mis en place avec la circulaire du 30 avril 1928 qui avait refondu les séries normales.

Les deux séries bénéficiaient du même type de plaques, toujours en blanc sur jaune foncé.

Dans la mesure où, quel que soit son statut fiscal, tout véhicule diplomatique pouvait être dès lors identifié au vu son immatriculation, la même circulaire interdit toute apposition d’écusson CD sur un véhicule diplomatique immatriculé en France. Son apposition sur des véhicules utilisés par des diplomates en poste à l’étranger, mais en voyage sur le territoire français était cependant prévue et tolérée.

Cette seconde série diplomatique mise en place par la circulaire du 24 avril 1940 est le dernier apport de la troisième république au domaine qu’elle a inauguré, en matière d’immatriculation automobile. A la suite de l’armistice du 17 juin, elle était dissoute à Vichy le 10 juillet suivant, mais la circulaire fut appliquée par le régime de Vichy, pour les diplomates en poste dans la ville d’eau, autant pour leurs véhicules en franchise temporaire que pour ceux qui avaient acquitté les taxes. Pour ces derniers, les autorités de Vichy utilisèrent le code départemental NH indicatif du Puy de Dôme, alors que Vichy est situé dans le département de l’Allier, dans le but très vraisemblable de faire gérer ces séries par une préfecture de taille importante, celle de Clermont-Ferrand.

Etablies par Pierre Musset et communiquées par Claude Le Leuch, les listes contenues dans les Newsletter Europlate 114 et 115 sont éclairantes sur ce point :

-          entre le 16 août 1940 et le 10 janvier 1945, 289 véhicules ont été immatriculés de CD 1 NH à CD 289 NH, dont la très grande majorité avait déjà fait l’objet d’une première immatriculation dans les séries normales, ce qui permet de tirer deux enseignements :

o        le régime de Vichy réalisa ce qui avait été prévu par la troisième république, mais non réalisé faute de temps, c’est-à-dire la ré immatriculation dans les séries CD des véhicules diplomatiques pour lesquels les droits et taxes avaient été acquittés ; bien sûr, cette opération n’avait été possible que postérieurement au 24 avril 1940, dans la mesure où les véhicules ayant acquitté les taxes ne pouvaient recevoir avant d’immatriculation diplomatique ;

o        la série diplomatique pour les véhicules ayant acquitté les taxes avait une structure effectivement similaire aux immatriculations normales, mais était bien complètement indépendante :

§        immatriculations affectées en séquence, pas de trou ;

§        la série normale 1 NH à 9999 NH avait été utilisée par le Puy de Dôme de 1928 à 1930, au tout début de la mise en place du système de 1928,

-          entre le 6 juin 1942 et le 30 juin 1944, 23 véhicules ont été immatriculés de CD 1 Z à CD 23 Z, dont nombre d’entre eux avaient déjà fait l’objet d’une immatriculation diplomatique dans la série ouverte en 1936 pour les véhicules circulant en franchise temporaire de taxes :

o        le choix de la lettre Z, normalement affectée à Paris dans la liste de 1933, semble avoir été motivé par deux raisons :

§        Clermont-Ferrand ne bénéficiait pas de lettre indicative de port et il semble qu’il n’ait pas été jugé nécessaire de lui en attribuer une ;

§        pour les véhicules en franchise, Paris n’avait pas entamé de série diplomatique utilisant cette lettre, il semble même certain que la lettre X ait été seule utilisée, pour immatriculer au total moins de 700 véhicules entre la mi-1936 et la mi-1940.

Suivies, on vient de le voir, pendant la seconde guerre mondiale, ces dispositions restèrent en vigueur dans l’immédiate après guerre. En particulier, les immatriculations attribuées par le régime de Vichy subsistèrent, même si les ambassades avaient pu regagner la capitale à la fin des hostilités. En effet, les listes contenues dans les deux Newsletters indiquent que certains véhicules immatriculés dans la série CD 123 NH ont attendu 1951 pour faire l’objet d’une ré immatriculation (cf. infra).

Seule la seconde refonte des immatriculations des séries normales, mises en place le 1er avril 1950, venait modifier la donne, et seulement pour ce qui a rapport aux véhicules diplomatiques ayant acquitté les droits et taxes.

La circulaire du 11 mars 1950, qui instituait les nouvelles séries, maintint en effet l’usage de la série au format CD 1234 A introduite en 1936, toujours pour les véhicules diplomatiques circulant en franchise de taxes.

Pour les véhicules ayant acquitté les taxes, elle reprenait l’esprit de la circulaire de 1940, qui consistait à considérer que cette catégorie particulière devait recevoir une immatriculation d’une consistance proche de celle utilisée pour les séries normales. Elle systématisait même ce raisonnement, en stipulant que les numéros d’immatriculation des véhicules entrant dans cette catégorie seraient les mêmes que ceux attribués aux séries normales. Seul le préfixe CD ajouté au début de l’immatriculation venait rappeler la nature particulière du véhicule, en plus bien sûr des couleurs utilisées pour la plaque, même si ce dernier détail n’était pas rappelé dans la circulaire.

Ces dispositions conduisaient donc à un format du type CD 123 AB 12 ou CD 1234 AB 75 pour Paris, avec un numéro de série sur 3 caractères (4 pour Paris), 2 lettres de série, et le numéro pris à l’intérieur du Code officiel géographique, qui avait été retenu par la circulaire du 11 mars 1950 pour identifier le département.

Attribuées sans distinction au sein des séries normales, les immatriculations de véhicules diplomatiques ayant acquitté les taxes ne furent pas longues à devoir comporter 10 caractères, les deux lettres CD venant se rajouter systématiquement sur la plaque.

L’arrêté du 1er mars 1951, largement commenté dans la circulaire du 12 mars suivant, ne tarda pas à reconnaître ce sérieux inconvénient, dans notre pays où la limite de 8 caractères représente depuis presque 100 ans un obstacle à peu près infranchissable…

Les deux textes de mars 1951 aménageaient donc la circulaire de 1950, en précisant que, pour les véhicules ayant acquitté les taxes, les lettres CD ne devraient plus être portées sur la plaque d’immatriculation. Elles seraient reportées sur un ovale devant accompagner chaque plaque, mais indépendante d’elle, à l’avant comme à l’arrière.

Pour les véhicules circulant en franchise de taxes, le format d’immatriculation introduit en 1936 était toujours maintenu, les lettres CD continuant d’être portées sur les plaques, en tant que partie intégrante de l’immatriculation.

Enfin, les deux textes de 1951 modifiaient le type des plaques à utiliser pour les deux catégories d’immatriculations diplomatiques, toutes devant être à caractères noirs (et non plus blancs), toujours sur fond jaune foncé. Cette exigence s’appliquait également aux ovales CD nouvellement institués.

De 1936 à 1951, la réglementation sur l’immatriculation des véhicules diplomatiques n’avait pas manqué d’être structurante tant que le statut douanier et fiscal des véhicules venait à être considéré. En effet, la différentiation entre véhicules ayant acquitté les droits et taxes, et ceux circulant en franchise temporaire, instituée dès 1940, avait été maintenue tout au long des différentes évolutions réglementaires, avec des dispositions bien spécifiques pour l’une et l’autre des deux catégories.

Il est cependant un critère que la réglementation n’avait pas retenu comme devant être structurant, c’est celui du statut du propriétaire du véhicule.

Il faut savoir que la réglementation en matière d’immatriculation diplomatique ne s’était appliquée jusque là qu’à des personnes possédant le statut de diplomate, membres ou représentants du corps diplomatique. C’est la raison pour laquelle les lettres CD avaient pu figurer systématiquement dans l’immatriculation, aussi tôt que 1936. Les personnels d’ambassade, les consuls et personnels consulaires, les fonctionnaires d’organisations internationales n’ayant pas le rang de diplomate se trouvaient donc obligés de recourir à des immatriculations en transit temporaire (TT) pourvu que leur véhicule bénéficie d’une exemption temporaire de taxes. Cela ne manquait pas de compliquer les contrôles de douane et de police puisque le système avait été dévoyé dans ce cadre particulier. En effet, les immatriculations temporaires n’étant normalement valables qu’une année, l’information sur la validité qui faisait partie de l’immatriculation n’avait plus de sens, ces personnels recevant généralement des affectations d’une durée supérieure.

Enfin, la notion de port d’attache, qui venait d’être abandonnée pour ce qui concerne les immatriculations TT, tombait aussi pour la même raison, à savoir qu’il ne devait plus avoir d’obstacle à ce qu’une immatriculation puisse avoir lieu dans n’importe quel département. Le code du département viendrait donc se subsister à celui de la liste de 1933.


Tous ces attendus étaient exposés dans la circulaire du 11 février 1954, qui venait réformer à la fois les immatriculations temporaires et les immatriculations diplomatiques.

Pour ce qui est des immatriculations diplomatiques, la circulaire de 1954 instituait un nouveau format d’immatriculation, commun à toutes les catégories de personnes mentionnées plus haut, qu’elles aient ou non le rang de diplomate.

Les lettres CD disparaissaient donc, au profit des lettres IT, suivant le format 12 IT 1234, 12 représentant le numéro du département, et 1234 constituant un numéro de série. Pour rappeler leur statut privilégié, les véhicules des membres du corps diplomatique, et seulement eux, bénéficiaient d’une disposition identique à celle mise en place en 1951, consistant à placer un ovale CD en accompagnement de chaque plaque, à l’avant comme à l’arrière.

La réforme portait aussi sur le type des plaques devant être utilisé pour matérialiser ces immatriculations, à caractères noirs sur fond vert. Enfin, elle fixait au 1er mars 1955 la date limite à laquelle tous les véhicules immatriculés auparavant dans les séries TT et CD devraient avoir été ré immatriculés dans la nouvelle série IT.

La circulaire de 1954 ne réformait de fait que les immatriculations diplomatiques des véhicules exemptés de taxes, en précisant par exemple que pour en bénéficier, les personnels « assimilés » devaient se trouver dans l’un des cas prévus pour une immatriculation dans la série TT. Cependant, la circulaire rappelait l’existence des séries diplomatiques créées en 1951 au bénéfice des véhicules ayant acquitté les taxes, et donc « immatriculés dans les séries normales françaises ». Surtout, le fait que la circulaire mette en avant l’avantage que les ovales CD, qui avaient été créés à cette occasion, se trouvent maintenant généralisés à l’ensemble des véhicules de diplomates, indique clairement que les immatriculations diplomatiques des véhicules ayant acquitté les taxes continuaient d’exister. Même si la circulaire ne prévoyait pas que ces dernières se trouvent nouvellement matérialisées par des plaques à caractères noirs sur fond vert, on peut penser que cette technologie fut vite appliquée, autant par mimétisme que par commodité. Plus vraisemblablement, l’arrêté sur les caractéristiques des plaques d’immatriculation, qui fut pris 5 mois après (arrêté du 16 juillet 1954) généralisait sans doute l’usage de plaques vertes aux véhicules diplomatiques ayant acquitté les taxes, mais le texte original de l’arrêté n’est plus disponible aujourd’hui. En effet, l’arrêté en lui-même a été modifié depuis à de maintes reprises pour suivre l’évolution de la réglementation, de sorte que le texte disponible se rapporte à l’état de l’arrêté à la fin de 1975.

Les séries instituées en 1954 durèrent jusqu’en 1965, la seule évolution notable consistant dans le fait qu’à Paris pour le moins, le nombre élevé d’immatriculations émises fit passer la barre des 10 000 immatriculations, obligeant à faire tenir 9 caractères sur la plaque… Quand la plaque était carrée, l’espace supplémentaire fourni par les deux lignes superposées permettait de faire tenir les caractères CD en tête de l’immatriculation, au lieu de les porter sur un ovale séparé. L’ovale CMD se trouva aussi créé pendant la période, sans qu’on puisse savoir exactement à quelle date, pour désigner le véhicule du chef de mission. Des ovales CC pour les membres du corps consulaire ont pu être aussi apposés, sans qu’on soit certain de ce qu’ils étaient prévus par la réglementation.

L’état de paix qui s’instaura après la seconde guerre mondiale s’était accompagné d’un extraordinaire développement des relations internationales, ledit développement contribuant en lui-même au maintien de cette paix... L’ONU, créée en parallèle pour organiser la coopération entre les états, avait vite donné le jour à un grand nombre d’organisations internationales, dont les personnels jouissaient également d’un statut diplomatique ou assimilé. Un peu plus tard, à l’époque de la décolonisation, de nombreux états avaient accédé à l’indépendance et se trouvaient en position d’ouvrir des représentations diplomatiques de part le monde.

Le statut douanier et fiscal des véhicules, dont on a vu out au long des évolutions de la réglementation qu’il avait été très structurant, venait encore s’enrichir d’une catégorie. Il s’agissait des véhicules pour lesquels les taxes avaient été acquittées à l’achat, mais dont le statut du propriétaire le dispensait du paiement de la taxe d’immatriculation (à l’établissement de la carte grise) et de la taxe annuelle (la  vignette  avait fait son apparition en 1956).

D’autres éléments se révélaient comme devant devenir structurants, comme les notions de pays d’origine ou d’organisation d’appartenance du diplomate (qui conduiraient à la création d’une liste de codes diplomatiques), ces deux notions devant même pouvoir se retrouver conjointement sur la même immatriculation.

Par ailleurs, il avait été identifié que le fait qu’un véhicule diplomatique puisse se trouver immatriculé au sein des séries normales constituait une marque de territorialité prise au bénéfice de la France, contradictoire avec le statut diplomatique du propriétaire. Cela, même si le véhicule avait été francisé dans ce cas précis, à la suite du paiement des taxes. Que cette disposition se trouvât abandonnée, tous les véhicules diplomatiques se retrouvant immatriculés dans la même série, indépendamment de leur statut fiscal mais sans perte de cette information, eût représenté une sophistication supplémentaire. Il en aurait découlé  un avantage majeur, celui de pouvoir gérer désormais l’ensemble de façon centralisée.

Il devenait bien nécessaire de refondre complètement le système des immatriculations diplomatiques, ce qui fut réalisé par les circulaires interministérielles des 7 octobre 1964 (avec application au 1er janvier 1965, pour les véhicules des diplomates) et 23 novembre 1965 (avec application au 1er janvier 1966, pour les véhicules des personnels assimilés). Aussi complète que complexe, c’est cette réglementation qui est en vigueur aujourd’hui après tout juste 40 ans d’existence, dont on peut croire qu’elle survivra largement à la réforme des immatriculations du SIV en 2009.